Spectacles autour de Fifi Brindacier
Création en cours
Porteuses de projet : Astrid Dusuzeau et Eva Guland
Musique, traduction et collaboration artistique : Lovisa Elwerdotter
Mise en place d’un premier laboratoire de recherche en novembre 2024 pour constituer les équipes de création.
Pour en savoir plus, cliquez ici !
Ce projet est à tiroirs et permettra la création d’au moins deux formes :
– un spectacle jeune public, principalement à destination des scolaires, avec 1 ou 2 comédien·nes, prévu pour 2026
– un spectacle tout public, pour l’espace public, avec 3 ou 4 comédien·nes, prévu pour 2027
Ce projet autour du personnage de Fifi Brindacier se situe dans la continuité de nos recherches autour de la parole des enfants et des rapports de domination qui régissent les relations adultes-enfants, menées lors de la création de Parleras-tu? Plus d’informations sur ce spectacle ici.
NOTE D’INTENTION
“Tout ce qui finit par exister dans le réel a d’abord existé dans l’imagination de quelqu’un. C’est pourquoi il nous faut inventer nous-mêmes les récits qui nous manquent car il n’y a pas la moindre chance qu’ils soient écrits par d’autres.”
Christine Aventin, FéminiSpunk
Fifi Brindacier, en suédois Pippi Långstrump (“Pippi longues chaussettes”), créée par Astrid Lindgren en 1945, est considérée comme un emblème du féminisme en Suède car elle questionne les rapports de pouvoir entre les adultes et les enfants, entre les garçons et les filles.
En France, les premières traductions ont aseptisé les romans mettant en scène Fifi. Comme le raconte Christine Aventin dans son essai FéminiSpunk (paru en 2021), Mademoiselle Brindacier, la version française de Pippi Långstrump publiée dans la collection Bibliothèque Rose en 1951, a été édulcorée au point qu’on parle aujourd’hui d’une adaptation plutôt que d’une traduction. Astrid Lindgren a même demandé à l’éditeur Hachette de revoir sa traduction. Pourquoi a-t-on coupé des pans entiers du texte original ?
Pourquoi a-t-on fait disparaître l’ironie de Fifi, sa critique du monde des adultes, sa défense des droits des enfants ?
D’après Christine Aventin, Fifi est punk, anti-autoritaire, affranchie de la morale, des conventions et de la bienséance. Elle attire alors enfants et adultes en quête de liberté. Avec le personnage de Fifi, Astrid Lindgren passe par la fiction pour questionner notre rapport au réel, les conventions qui régissent notre société, les normes dans lesquelles nous sommes souvent enfermé·es. Dans la lignée d’Astrid Lindgren, nous voulons rendre à ce personnage toute sa force émancipatrice, pour les enfants mais aussi pour les adultes que nous sommes devenu·es.
Remise en cause des codes féminins/masculins
“Fifi est une fille, aucune ambiguïté, aucun doute là-dessus. […] N’emprunte rien au masculin, ne refuse rien du féminin. Aucune velléité de négociation avec les attributs sociaux du genre, mais un dépassement : elle n’a pas besoin de mimer la masculinité pour être forte, libre, bruyante et drôle.”
Christine Aventin, FéminiSpunk
Et elle n’a pas non plus besoin d’être sage, discrète et docile pour être une fille. Elle n’est pas polie, ne se tient pas bien à table, ne respecte pas la plupart des codes de différents lieux de socialisation (comme l’école, les magasins, le cirque…). Elle ne semble pas rêver de devenir une mère et une épouse. Elle aime faire la cuisine parce qu’elle est gourmande, servir le goûter à ses ami·es parce que ça lui fait plaisir, pas pour jouer à la dame. Ou si elle le fait, c’est en se moquant justement des codes et de la bienséance.
À l’inverse, ses ami·es Annika et Tommy apparaissent comme des enfants modèles, performant à la fois le genre et l’enfance comme ils sont attendus par la société suédoise des années 1940. Mais au fond, ne rêvent-iels pas de sortir du cadre ? Et n’admirent-iels pas Fifi pour sa liberté ?
Une héroïne puissante
Fifi fait rêver parce qu’elle est libre, mais aussi parce qu’elle est forte. Anormalement forte, bien qu’elle vive dans un monde très proche du nôtre. C’est donc un modèle intéressant pour les enfants, en particulier les petites filles, car elle se distingue des héroïnes féminines classiques qui vivent dans un univers soit proche du nôtre, et alors elles sont sages et compatissantes, soit éloigné du nôtre, et alors elles peuvent être puissantes et magiques. Fifi peut faire les bêtises les plus absurdes mais elle peut aussi porter son cheval. Elle peut répondre à côté aux questions de la maîtresse, comme elle peut battre le méchant Adolf, l’homme le plus fort du monde, à la bagarre. Astrid Lindgren donne à son personnage une force de dénonciation en même temps que la puissance de rêver un monde meilleur.
Fifi utilise d’ailleurs sa force telle une justicière, protégeant parfois d’autres enfants, ou se protégeant elle-même face à la police qui veut l’enfermer dans un orphelinat. En vivant avec un singe et un cheval, sans grande personne pour lui imposer des règles, elle échappe à la domination des adultes. Avec fantaisie et détermination, elle nous permet, adultes comme enfants, de nous interroger sur notre rapport à l’autorité, et sur la nécessité de certaines règles qui nous sont imposées.
PROCESSUS DE CRÉATION
L’idée est de créer plusieurs formes spectaculaires à partir de laboratoires d’écriture auprès de différents publics. Pour l’instant, deux formes (jeune public et tout public) sont envisagées.
Nous souhaitons travailler à partir des textes originaux écrits par Astrid Lindgren, que nous traduisons nous-mêmes, et que nous comparons parfois aux traductions françaises. Nous nous appuyons aussi sur l’essai FéminiSpunk de Christine Aventin, et sur d’autres ressources autour de ce personnage.
Le projet se construira avec en parallèle :
- Une recherche auprès d’enfants et d’adolescent·es, à partir des histoires de Fifi Brindacier, mais aussi à partir de leur imaginaire. Nous mènerons des cycles d’ateliers de médiation autour de ce personnage et ce qu’il peut représenter comme modèle, mais aussi autour de la construction de nouveaux récits. Entre écriture et théâtre, ces ateliers de pratique nourriront directement notre création.
- Une recherche avec des personnes de tout âge, qui auraient pu être influencé·es par les histoires écrites par Astrid Lindgren. Avec les adultes, nous nous intéresserons particulièrement à ce que représente Fifi en terme de féminisme, et à la manière dont nous avons construit nos identités de genre à partir des histoires de notre enfance.
- Des résidences où nous croiserons jeu et écriture.
Pour ce projet, nous faisons un premier laboratoire de recherche du 18 au 24 novembre 2024 pour lequel nous invitons des personnes à travailler avec nous.
Pour lire l’appel à participation, cliquez ici !
Références
Astrid Lindgren, Pippi Långstrump, illustré par Ingrid Nyman, 1945 (et toute la série qui suit)
Christine Aventin, FéminiSpunk, Zones, 2021
Émission avec Christine Aventin sur FéminiSpunk, “Affaire en cours”, France Culture, 2021 :
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaire-en-cours/fifi-brindacier-c-est-le-feminispunk-qui-vient-transformer-la-litterature-jeunesse-5011230
Podcast avec Christine Aventin sur Astrid Lindgren, “Les Parleuses”, 2021 :
https://litterature-etc.com/astrid-lindgren-1907-2002-par-christine-aventin-seance-24/